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01 / 04 / 2006"Salon del mobile" Milan, Italie 2006
Un salon du meuble inspirant!
Milan, ville de modernité et de tradition, ville en mouvement. Chaque fois, l’Europe nous impressionne. Avec sa culture omniprésente, une culture de l’art naturellement intégrée au quotidien, une culture qui n’a pas besoin d’être enseignée, parce qu’elle s’impose, tout simplement. Dans un musée très fréquenté, 70 chaises de designers et d’architectes respectés invitent les visiteurs, les familles à s’approcher et s’asseoir plutôt que de leur demander de « ne pas toucher ». La culture est démocratisée, l’art est amical, accueillant. Et au milieu de cette ville qui réunit en avril les professionnels du design, un château médiéval apparaît. Ailleurs, un mur se dresse et un train le traverse. Signe particulier : ce mur a 2000 ans.
Les premiers jours d’avril 2006, je les ai vécus dans ce lieu inspirant. 5 jours passés au Salon du meuble de Milan : 24 édifices installés de part et d'autre d'une circulation à deux niveaux, couverts par un toit tridimensionnel en verre qui s’étend sur 1 mile de long. 1400 exposants, 1500 événements connexes présentés simultanément, à l'extérieur de la foire. Parallèlement, le Salon EMU nous ouvre les portes des aménagements de bureau alors que plus loin sur le site, un autre salon présente les nouvelles tendances pour les cuisines et salles de bain. Des murs de verre, des planchers de chêne, mezzanine, escaliers, une importante conception d’éclairage : on a une impression de permanence tant la conception des kiosques est soignée. Pourtant, dans quelques jours, tout sera démonté.
Les idées des designers européens sont convaincantes : par exemple, une bibliothèque qui sert de mur, un meuble de rangement qui prend une valeur architecturale, plusieurs fauteuils individuels rassemblés pour en faire une banquette fabriquée avec des tissus soignés et un rembourrage qui assure le confort. On a compris que les meubles nous accompagnent, qu’ils accompagnent la vie de nos clients, bien plus que les murs que l’on dresse dans ce qui sera leur espace d’habitation ou de travail. J’ai été frappé par cette évidence : le respect que l’on porte au mobilier en Europe, le mobilier que l’on intègre dès le début d’un projet et que l’on aborde comme une priorité.
Au-delà de l'esthétique du meuble, il y a également en Italie une histoire, une tradition du meuble et de ses métiers, défendue par un réseau d'artisans et de petites entreprises spécialisées qui, comme des satellites, gravitent autour des manufacturiers. Ils offrent une quincaillerie spécialisée, une extrusion d’aluminium unique, pour ne citer que deux exemples. Des pièces brevetées qui sur des meubles manufacturés, leur donnent un caractère unique et la beauté du détail.
Cette approche du mobilier, même en design corporatif, mérite que l’on s’y attarde. Doit-on prévoir dès le début de nos projets, des meubles de qualité ingénieux faits pour durer, des murs amovibles et les intégrer au budget initial? Faut-il repenser les dépenses extrêmes de la construction et plutôt favoriser le rôle du meuble qui nous conduirait à un impact avantageux pour le client au chapitre des coûts et qui offrirait plus de possibilités de réaménagements? Devrions-nous approfondir nos connaissances en gestion pour offrir une approche financière du design? Exemple : l’amortissement de l’investissement architecture versus meubles? Je vois dans cette orientation du design de grandes perspectives mais aussi un travail patient : une éducation à faire auprès de nos clients pour accueillir de nouvelles approches, une responsabilisation unilatérale dans l’application de ces concepts, et, en bout de piste, une plus-value pour le client.
En évaluant les coûts, les dessins d’atelier, la coordination, le temps de production, les problèmes de fabrication et d’installation et la question des résultats qui ne correspondent pas toujours au concept initial, il est certainement utile de réfléchir à notre vision du mobilier en aménagement. Une fois tout calculé, coordination, temps, honoraires, le meuble manufacturé coûte moins cher et présente moins de problèmes d’assemblage, de solidité, de confort, de livraison et d’installation.
Avec 20 ans d’expérience à titre de designer et maintenant associé chez Sodeplan, je suis conscient que les projets corporatifs, commerciaux, surtout les projets d'envergure sont les plus difficiles, les plus exigeants parce que les enjeux s’inscrivent au-delà du design. Les décisions sont souvent politiques, basées seulement sur la dépense immédiate et non à moyen ou à long terme et cela même si nous émettons et coordonnons les appels d'offres.
Au cours de ce salon, Milan nous propose un regard respectueux sur les possibilités du meuble. Les objets d’hier ont aujourd’hui les mêmes fonctions mais d’autres visages. On suggère une synthèse de la simplicité du design, un design nettement moins complexe qu’ici. Une simplicité qui ne néglige pas pour autant son élégance et qui revêt même parfois une note joyeuse. La visite de cette exposition m’a beaucoup appris. J’ai pris conscience des avantages que représentait une intégration différente du mobilier pour le client et pour les designers dans l’exercice de leur profession. Et cette réflexion peut même rayonner plus loin. Dans la société nord-américaine où l’on construit beaucoup et gros, où l’abondance prévaut, où la notion d’espace est sans limite et où le prêt à jeter trahit une certaine mentalité, nous perdons peut-être de vue l’importance de la préservation. Qui sait? Peut-être que, dans l’élaboration de nos nouveaux projets de design, nous pouvons penser à revaloriser le mobilier pour son utilité continue, sa valeur en tant que matière première, sa capacité insoupçonnée d’être convivial et polyvalent et de traverser le temps. Comme tout ce qui est classique et beau.
André Davignon
Rédigé grâce à la collaboration de Norman Racicot